Le roi aux doigts d'or

Pont chinois

Pont chinois.

Wang, qui veut dire "roi" en chinois, était le nom que portait bien ironiquement un pauvre paysan qui ne régnait que sur sa misérable chaumière et son lopin de terre, dans la vallée du fleuve Weï.

Mais son coeur n'était pas aussi sec que sa terre et il lui arrivait de partager son maigre repas avec un vagabond ou ses voisins les moineaux.

Une nuit, en entendant des pas et des murmures, il enfila sa tunique, prit son bâton, son sac et sortit de chez lui à pas feutrés. Il aperçut huit silhouettes et, tout en gardant une distance raisonnable, les observa.

Il crut reconnaître les huit Immortels, avec en tête Chang Kono Lao sur sa mule blanche et Tié Kouaï Li qui boitillait derrière les autres avec sa béquille de fer.

Wang entreprit de les suivre discrètement dans l'espoir qu 'ils le conduisent au Royaume des Immortels où se succèdent les festins divins dans l'insouciance de l'éternelle jeunesse.

-Qu'allons-nous faire de ce mortel qui nous suit ?
Ho Hsien Kou, la patronne des magiciennes, lui répondit :
- S'il est prêt, il passera sur l'autre rive. Soumets-le à l'épreuve.

Tié Kouaï Li fit signe à Wang de s'approcher et lui dit :
- Alors, tu dois remplir trois conditions :
- La première, marcher sur l'eau en regardant droit devant toi sans avoir de pensée impure. T'en sens-tu capable ?

Wang fit signe que oui de la tête. La perspective d'entrer au Royaume des Immortels lui donnait des ailes.

- La deuxième condition : tu dois abandonner tout ce que tu possèdes, sans regret.
- Cela n'est pas difficile non plus, surtout pour moi qui n'ai pas grand-chose ! Et Wang jeta dans le fleuve son sac et son bâton.

- La troisième condition, c'est une autre affaire. Tu dois boire une gorgée de ce remède qui purifiera ton corps et le rendra aussi léger qu'une feuille.
Donne-moi le creux de tes mains.

Li le boiteux versa dans les paumes du pauvre paysan un liquide verdâtre, visqueux et nauséabond.

Wang avec une grimace de dégoût, laissa couler entre ses doigts l'infâme mixture et se nettoya les mains dans le fleuve.

- Misérable, maugréa le sage infirme, tu as gaspillé le précieux Nectar d'Immortalité ! Tu t'es arrêté aux apparences. Tu n'es pas digne de nous suivre.

- Je vous en prie, supplia Wang, donnez-moi une autre chance !

- Ton autre chance, répliqua Li le boiteux, elle est au creux de tes mains. Fais-en bon usage !

Et pendant que l'Immortel disparaissait dans la brume, Wang regarda les paumes de ses mains.

Elles brillaient dans la nuit d'un étrange éclat, comme deux lampes de jade.

Le paysan ne tarda pas à découvrir le pouvoir de ses mains. Elles soulageaient les douleurs, soignaient les maladies. C'était des mains de guérisseur.

Il en fit bon usage, et pratiqua la compassion sans relâche, condition première pour parvenir sur l'autre rive des Immortels.

Les mérites de Wang lui permirent peut-être de retrouver par la suite le chemin de l'éternelle jeunesse !

En tout cas, il fut immortalisé dans la mémoire des Chinois sous le nom de Roi aux Doigts d'Or et certains lui attribuent la paternité de l'acupuncture digitale, plus connue sous son nom japonais de shiatsu.

C'est une manière fort utile de se rendre immortel !

Temple au Japon

Temple au Japon.